Le Cid au Maroly
Sous moi donc cette troupe s’avance,
Et porte au front une agence d’assurance (1).
Nous partîmes six inscrits; mais par un coup du sort
Nous nous vîmes quatre en arrivant au port (2),
Tant, à nous voir marcher avec un tel visage,
Les plus épouvantés reprenaient du courage !
J’en cache les deux tiers, aussitôt qu’arrivés au parking,
Dans le fond des bois qui lors furent trouvés;
Le reste, dont le nombre diminuait à toute heure,
Car après une mauvaise nuit on reste au lit,
Et sur notre flanc gauche pourtant très vaillant
C’est une fixation qui fit défaut sur le champ,
Encore un combattant laissé seul sur un banc (3).
Par notre commandement la troupe s’ébranle,
Et suivant la piste, aide à mon stratagème.
Cette obscure clarté qui tombe des étoiles (4)
Enfin avec le flux nous fait voir les télésièges;
L’orientation demande un commun effort:
Entre remontées figées et les canons – à neige – muets,
Foisons de repères offerts à notre vision.
Le blanc manteau joue un double jeu rigolo
Car après la veille et son épisode de sirocco
Se cache sous les centimètres de fraîche poudreuse
Un linceul orange qui apparaît à chaque virage.
Mais soudain depuis Auferrand et Pointe d’Almet,
De ces versants aussi Sud que raides,
Dévale une vrombissante avalanche
Qui tel un rugissement nous fige le sang.
Les randonneurs restent là, sidérés, mais vite
Leur courage renaît, et leurs terreurs s’oublient;
La honte de mourir sans avoir combattu
Arrête leur désordre, et leur rend leur vertu.
La pleige (5) et le vent montent jusqu’au col.
On les laisse passer ; tout nous paraît tranquille;
Rares skieurs en ces lieux, point aux pentes abruptes.
La cime atteinte ne nous vit pas disserter
Tant la gravité et les pentes soyeuses
Sont telles des sirènes et leur chant lointain
Des appels auxquels le Gumiste ne résiste.
Ô combien de sauts, combien de godilles célèbres
Sont demeurés sans gloire au milieu des ténèbres,
Où chacun, seul témoin des virages qu’il lançait,
Ne pouvait discerner où le sol inclinait ! J’allais de tous côtés encourager les nôtres,
Faire avancer les uns et soutenir les autres,
Relever ceux qui tombaient, les pousser à leur tour,
Enfin rejoindre le doux confort de l’auto !
…
Et le combat cessa faute de combattants.
[Corneille, Le Cid, version Gums 2021]
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Notes:
- En la présence de Caro en tête de proue.
- “Col” en pyrénéen.
- C’est un brin romancé; le banc se situe dans un magasin de sport du Chinaillon et on comprendra qu’il faut relativiser l’inconfort.
- Le roi des oxymores ! J’ai supprimé bien des vers mais celui-là, impossible. Par ailleurs à 9h du matin il y a longtemps que les étoiles étaient masquées. Sans compter les 500 m d’épaisseur de nuages au-dessus de nos têtes.
- Un état physique de l’eau découvert en cette année 2021 dans les Aravis, entre la pluie et la neige.
Amicalement vôtre: Caro, Audrey, Gérald, Freddy et Bertrand
Catégorie: Vie du club
Quel poète ce Bertrand! Pour une prochaine je souhaiterais une version Gums de Cyrano!
Rarement un compte rendu ne m’a autant tenu en haleine, une belle signature gumiste comme je les aime.
Merci Bertrand d avoir volontairement écrit ce CR qui aurait pu être rédigé par bien d autres prétendants ( panne de réveil, nouvelles chaussures pas réglées aux skis,DVA pas allumé, 1er depeautage en musique…). Dis tu ns as fait rêvé avec ton genepi maison mais….
Un super compte rendu, quel suspense!
Mais, au fait, Corneille… c’est bien ce chanteur de R&B du début des années 2000 !!!!!!!
Salut la troupe,
Quand les théâtres sont fermés, les écrivains rêvent t ils de scènes sur fond d Aravis ? Pendant que d autres usent de stratagèmes plus ou moins bien choisis pour rester au chaud ?
Waouh ! là il y a du niveau !
Vivement la suite !